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« Regarde là. Juste là, sur la page d’à côté, ces deux bonshommes qui discutent. Il me semble qu’ils vont partir en balade. Tu peux les suivre discrètement, peut-être ? Ecoute-les. Ils vont te parler d’une histoire qui te rappellera quelque chose, je crois. »
Deux bonshommes partent en balade. Autour d’eux, le paysage se déroule. Aucun bruit ne retentit. Ni respiration, ni ronflement. Tout semble endormi. Comme si le monde était en pause.
Les bonshommes observent cette vie en suspens. Ils admirent. Ils s’interrogent. Et si de spectateurs, ils devenaient acteurs ?
J’ai toujours eu une prédilection pour les illustrations de Rebecca Dautremer. Dans cet album, elle nous livre une magnifique adaptation de la Belle au Bois dormant.
A la faveur du cheminement des deux héros, on regarde tous ces personnages assoupis et figés dans la position qu'ils occupaient quand le sort a été jeté. Comme eux, on s’arrête devant chacun de ces figurants. Quelle grâce dans leurs gestes ! Quelle virtuosité dans les traits de Rebecca Dautremer !
Au fil des pages, c’est un peu comme si le temps se suspendait aussi pour nous, comme si les battements de nos cœurs se faisaient moins entendre, comme si nos respirations se faisaient plus ténues. De peur de troubler cette bulle de tranquillité.
Bref, vous l’aurez compris : un album coup de cœur qui parvient à rendre hommage au conte d’origine tout en lui conférant une véritable modernité.
"J'ai toujours eu du mal à considérer un lieu, une ville, une maison comme mon "chez-moi". Mais tout le monde a besoin d'avoir un "chez-soi", non?"
De la maison de son enfance à la capitale, de New York à une cabane de pêcheurs, on suit les différents "chez-soi"qui ont peuplé la vie du narrateur.
"Parfois, on a besoin de faire le tour du monde, simplement pour revenir au point d'où on est parti"
Dans cet album, Davide Cali trace le portrait d'un artiste qui peine à trouver son "chez-soi". Au fil des années, il déménage ainsi de lieu en lieu, perpétuellement insatisfait. Jusqu'au jour où, peut-être, il trouve enfin un sens au mot "chez-moi". Pour combien de temps...nul ne le sait!
On suit avec beaucoup d'intérêt cette quête d'identité, cette redéfinition incessante des envies, ce besoin de s'ancrer quelque part et d'utiliser cette expression toute simple "chez-moi". Un "chez moi" dont la définition se fait autre selon l'âge qui passe, selon les expériences, selon les rencontres.
Forcément, cet ouvrage résonne en nous adultes, nous interroge sur notre vie, sur nos choix. Avec une infinie poésie.
A chaque nouvelle destination, on marque une pause à l'aide d'une double-page d'illustrations qui nous permet de mieux saisir ce nouveau foyer du narrateur. C'est là d'ailleurs que le travail de Sébastien Mourrain revêt toute son importance. Il remplit les blancs laissés par Davide Cali dans son texte et nous permet, avec ses dessins tout en finesse et en sobriété, de mieux capter l'environnement de notre héros.
Bref, vous l'aurez compris: j'ai beaucoup aimé cet album, à la fois poétique et porteur de sens. Et je ne pourrais que le conseiller à tous.
Récemment, j'ai eu l'occasion de découvrir deux très jolis albums jeunesse autour de l'amour et de ses hasards.
Le premier, Herman et Rosie pour la vie de Gus Gordon, nous embarque à New York.
"Il était une fois dans une ville très animée, dans une rue très animée, deux très petits appartements: dans l'un vivait Herman Schubert....Dans l'autre, Rosie Bloom."
Herman et Rosie apprécient tous les deux la vie dans cette grande métropole. Mais il leur arrive parfois de se sentir seuls. Alors qu'Herman travaille en haut d'une tour, Rosie fait la plonge dans un resto chic et chante tous les jeudis soirs dans un club de jazz.
Malgré leurs nombreux goûts en commun, rien ne les prédispose à se voir.
Mais un soir, en passant dans une école de jazz, Herman entend Rosie chanter.
"Quelqu'un chantait....et c'était merveilleux. Il éprouva la même sensation que s'il avait mangé du miel à même le pot."
Cela lui donne envie de monter sur le toit et de jouer un air au hautbois. Rosie l'écoute et est sous le charme.
Les jours passent....et on se demande si ces deux héros vont un jour se croiser.
J'ai beaucoup apprécié l'intrigue de cet album qui traite avec beaucoup d'habileté des hasards qui président souvent aux rencontres amoureuses. Herman et Rosie constituent deux protagonistes attachants qui tentent d'occuper la solitude qu'ils ressentent dans cette grande ville qui les fascine. De plus, même si on se doute et on espère de l'issue, Gus Gordon prend un malin plaisir à nous entraîner sur de fausses pistes.
Enfin, les dessins retranscrivent à merveille l'humour et la poésie du texte.
Autre métropole, autre destin. Place maintenant à l'Oeil du pigeon, un album écrit par Séverine Vidal et illustré par Guillaume Plantevin.
"C'est quand même pas facile tous les jours, une vie de pigeon. Vous pouvez me croire. On vit dans l'ombre. On se fond dans le décor. Gris parmi les gris, pas évident de sortir du lot. D'ailleurs, là, en ce moment, vous me cherchez. Vous vous demandez où je me cache"
Léon est un pigeon pas comme les autres qui "regarde, observe, suit des yeux, contemple [et a plein] d'histoires à raconter"
Sa préférée, c'est cette de Youri et Rose. "Comment ils se sont rencontrés, comment ils se sont aimés, au premier coup d’œil. Ou presque"
C'est ainsi qu'on suit toutes les occasions qu'ont eues ce jeunes homme et cette jeune femme de se croiser. Jusqu'au jour où....
Là encore, j'ai été sensible au ton très humoristique qui se dégage de ces pages. Ce qui fait également l'originalité de cet album, c'est le choix d'un pigeon comme narrateur et comme deus ex machina.
De même, les illustrations très gaies et assez rétro accompagnent à merveille les mots de Séverine Vidal.
Bref, vous l'aurez compris: je suis sous le charme ce ces deux albums jeunesse à la fois tendres et drôles et j'espère que vous aurez l'occasion de les découvrir.
Herman et Rosie pour la vie de Gus Gordon, Gallimard Jeunesse, 2013, 13 €
L'oeil du pigeon de Séverine Vidal et Guillaume Plantevin, Sarbacane, 2013, 15,50 €